Les administrateurs doivent-ils être obéissants ou compétents ? (PDF)
Author Archives: Eric De Keuleneer
Le gouvernement a-t-il été naïf en négociant la Pax Electrica avec Suez ?
ACTION PUBLIQUE & MAXIMISATION DES PROFITS
Né au 18e siècle, l’utilitarisme était porteur d’un grand espoir d’amélioration des décisions publiques ; il reste riche d’enseignement à cet égard
Les sociétés primitives pratiquaient le sacrifice couramment, pour des raisons liées aux mécanismes de survie de la horde (qui doit parfois s’enfuir en abandonnant les plus faibles), ou à des croyances religieuses en des dieux terribles, avides du sang d’innocentes victimes, ou encore à la nécessité de régulièrement évacuer les tensions en rejetant les fautes sur une victime expiatoire, le « bouc émissaire ». Nous aimons penser que ces temps sont révolus.
Diverses religions sont imprégnées de principes de justice et d’amour qui font leur grandeur, mais les institutions qui s’en prévalent ne renoncent cependant pas à y trouver une apologie du sacrifice qui permet d’utiliser des schémas archaïques et de faciliter la diffusion d’idées simples ; au risque d’accroître la violence, car le sacrifice enferme dans la logique de violence.
Les autorités civiles éclairées ont prétendu nous délivrer des conséquences funestes de l’aveuglement obscurantiste. Elles ont pourtant aussi requis des sacrifices importants au cours des siècles, du fait de l’arbitraire et des caprices de dirigeants, ainsi que de diverses formes de volonté de conquête ou encore du nationalisme, la meilleure définition d’une patrie étant qu’elle demande des sacrifices.
L’apparition au 18e siècle de l’utilitarisme pour guider les choix de la vie publique a permis de réduire l’arbitraire et le penchant sacrificiel des classes dirigeantes.
L’utilitarisme vise à mesurer la satisfaction (matérielle et autre) des citoyens selon une norme appelée « utilité », dont la quantité totale doit être optimisée. Le système a des défauts, entre autres la difficulté de mesurer l’utilité avec les nuances nécessaires ; mal appliqué, il justifie aussi des sacrifices. Bien pensé, il permet cependant une évaluation des politiques publiques et de leurs retombées, et un dédommagement de ceux à qui des désagréments sont imposés. En refusant cette analyse, on tombe soit dans l’arbitraire du Prince qui décide souverainement que les conséquences A sont plus importantes que les conséquences B, soit dans le productivisme (une caricature de l’utilitarisme) pour lequel tout ce qui provoque un accroissement de production est bon, ceux – individus ou environnement – qui en souffrent devant accepter le sacrifice (toujours lui).
Le dossier des vols de nuit, par exemple, pourrait être débattu en termes simples d’un utilitarisme éclairé. D’un coté l’accroissement d’utilité créée par l’extension de vols de nuit pour les citoyens qui en bénéficient, de l’autre la diminution d’utilité pour ceux qui en souffrent. Il est possible de ramener l’un et l’autre à des valeurs monétaires ; même si des citoyens peuvent trouver choquant que l’on veuille monétiser leurs nuits blanches et leur stress, une quantification (coût de l’isolation acoustique, dépréciation immobilière, dégradation de santé) vaut mieux que rien. Des compensations financières peuvent alors leur être octroyées, soit par les compagnies qui profitent de ces nuisances et doivent en intégrer le coût, soit par les pouvoirs publics qui souhaitent subsidier cette activité.
Dans d’autres secteurs (tabac, alimentation, pharmaceutique,…) aussi, la maximisation simpliste des profits suppose que l’on sacrifie l’intérêt des citoyens.
Une approche utilitariste est en tout cas préférable à une démarche dans laquelle on considère que certains doivent être sacrifiés.
L’utilitarisme est loin d’être un valet du capitalisme. Les profits réalisés n’entrent dans les calculs d’utilité que pour autant qu’ils reviennent aux citoyens, et de façon dégressive. L’utilitarisme a permis et permet de faire fonctionner une économie de marché qui met l’intérêt des gens au centre d’un système que l’on peut appeler un capitalisme efficace et humain.
Aujourd’hui la maximisation des profits est l’objectif avoué du productivisme, et l’objectif inavoué de l’action publique molle, si l’on peut appeler ainsi les interventions étatiques qui, en voulant encourager l’économie, se font otages des lobbys, car les profits sont le moteur des lobbys (et d’une certaine pensée unique qui veut que « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain », affirmation bien souvent fausse). Une action publique éclairée – en contraste avec la version molle – peut et doit encore dans de nombreux cas améliorer la qualité de la vie en société ; une approche utilitariste bien comprise peut lui apporter beaucoup de lumière. Sans action publique éclairée, il est à craindre que le dieu profit impose des sacrifices croissants aux citoyens.
Construction durable
L’Echo de la Bourse
L’indépendance des administrateurs, une nécessité pour les entreprises publiques Point de vue· Eric de Keuleneer (Fondation des administrateurs) livre ses impressions sur le projet de réforme du CDH L’indépendance des administrateurs, une nécessité pour les entreprises publiques L’Etat doit jouer son rôle d’actionnaire sans pour autant s’immiscer dans la gestion.
Il y a tout juste une semaine, le CDH a déposé au Parlement une proposition de loi visant à adapter la loi de 1991 sur les entreprises publiques autonomes (lire L’Echo du 13 juillet).
Comment ce projet est-il perçu dans le milieu des administrateurs? Nous avons pris le pouls auprès d’Eric de Keuleneer, président de la Fondation des administrateurs.
Dans l’ensemble, Eric de Keuleneer juge la proposition faite par le CDH intéressante. Diverses autres propositions émanant des partis de la majorité étaient déjà venues sur la table à la fin de l’année dernière. « Cette proposition-ci a malgré tout le mérite d’être très complète et de réunir un ensemble de problématiques déjà mises en avant en décembre passé, mais de manière plus éclatée. »
Le président de la Fondation des administrateurs se réjouit ainsi que le débat sur la réforme des entreprises publiques soit toujours à l’ordre du jour. Selon lui, prendre comme base la loi de 1991 – comme l’a fait le CDH -, est une bonne chose.
Passant en revue la proposition de loi déposée par le groupe CDH à la Chambre, Eric de Keuleneer y retrouve bon nombre d’éléments positifs.
« L’importance du contrat de gestion est incontestable, explique-t-il. Vouloir renforcer son application relève donc du bon sens. » Mais, pour Eric de Keuleneer, ce contrat doit inscrire des objectifs contraignants. « En définissant ces objectifs, l’Etat jouera pleinement son rôle d’actionnaire », poursuit-il.
Tout comme le CDH, Eric de Keuleneer estime que cela ne doit pas non plus se faire en s’immisçant dans la gestion de l’entreprise publique. « Elle reste, par définition, autonome. L’Etat ne doit donc que faire jouer ses intérêts légitimes en tant qu’actionnaire, sans aller plus loin pour autant. »
Le cinquième axe de la proposition de loi du CDH visant à dynamiser le rôle du commissaire du gouvernement a également attiré l’attention du président de la Fondation.
« Les administrateurs ne doivent pas être chargés d’autres intérêts que les intérêts propres de la société. »
« Son rôle est très important, signale-t-il. Il a notamment pour charge de clarifier le rôle des administrateurs et de trancher dans les conflits d’intérêts au sein du conseil d’administration. »
A ce niveau se pose bien évidemment la question de la composition de ce conseil d’administration. « Dès lors qu’ils sont là pour veiller aux intérêts de l’Etat, il est normal que tous les administrateurs veillent à ce que la société soit bien gérée et remplisse convenablement ses missions », explique Eric de Keuleneer.
Un débat s’est fait jour dans certaines sphères sur la question de la nécessité d’instaurer un conseil d’administration où coexisteraient, d’une part, des administrateurs défendant les intérêts de l’actionnaire public et, d’autre part, des administrateurs « indépendants » défendant les intérêts de l’entreprise. Le CDH lui-même a relayé cette idée avant de la retirer de sa proposition.
Eric de Keuleneer estime pour sa part qu’il serait dangereux que certains administrateurs soient chargés d’autres intérêts que ceux de la société elle-même. « Je ne suis pas certain qu’il faille faire la différence entre ces deux types d’administrateurs, explique-t-il. Mais si cette option devait un jour être mise sur la table, il faudra qu’il y ait une large majorité d’administrateurs indépendants. »
Eric de Keuleneer est ainsi un fervent convaincu de la nécessité de l’indépendance d’esprit des administrateurs. « Ces derniers ne devraient pas être chargés d’autres intérêts que les intérêts de la société », pense-t-il.
De par l’existence du contrat de gestion, les intérêts de la société vont bien entendu de pair avec les intérêts de l’Etat.
«La notion d’administrateur indépendant ne veut également pas dire qu’il ne doit rendre des comptes à personne, insiste Eric de Keuleneer. « Il doit être guidé par une mission spécifique et s’inscrire dans l’objectif social de l’entreprise tout en rendant des comptes aux actionnaires, dont l’Etat, précise-t-il. Mais cela peut se faire avec une large indépendance d’esprit. »
Cette notion d’indépendance doit donc être vue dans le sens d’une absence de conflits d’intérêts. « L’administrateur ne doit pas être trop proche du management, ni trop proche d’une éventuelle société concurrente par exemple », explique Eric de Keuleneer. « Il ne faudrait pas que, sous couvert de la défense des intérêts de l’Etat, l’administrateur défende d’autres intérêts plus personnels… »
La proposition du CDH d’instaurer une charte des administrateurs est également vue d’un bon oeil par le président de la Fondation des administrateurs. « Cette charte devrait permettre au gouvernement de mieux définir ce qu’il attend des administrateurs, mais également de mieux évaluer leur travail. Elle constitue donc un moyen efficace de contrôle du conseil d’administration », estime Eric de Keuleneer.
Une telle méthode a d’ailleurs été adoptée il y a deux ans par la Fondation. Une charte similaire a ainsi été rédigée, adoptée par certaines sociétés et débattue dans certaines entreprises publiques.
Un CA équilibré
Selon Eric de Keuleneer, la composition du conseil d’administration doit respecter les équilibres démocratiques. L’appartenance politique des différents administrateurs ne constitue donc pas, selon lui, un véritable problème à partir du moment où les équilibres sont respectés. « Mais ces administrateurs doivent également être choisis en fonction de leur motivation et de leurs capacités à jouer convenablement leur rôle», insiste-il. «Mais des problèmes pourront toujours apparaître, poursuit-il.
Tout comme dans les entreprises privées, où certaines nominations sont également parfois faites en fonction des intérêts particuliers des uns ou des autres…. »
1. Entreprises publiques: une réforme est proposée
institutions·Le CDH dépose une proposition de loi en vue d’adapter la loi de 1991 Entreprises publiques: une réforme est proposée Selon le CDH, la loi existante constitue une bonne base mais elle doit être mieux appliquée.
On l’avait annoncé à la fin de l’année 2001, des projets de réforme des entreprises publiques verraient encore le jour durant l’année 2002. Une initiative concrète est venue cette semaine de l’opposition. Le CDH a déposé une proposition de loi en vue de modifier la loi du 21 mars 1991 sur les entreprises publiques autonomes.
Tout au long de l’automne passé, le monde politique a largement débattu de la nécessité de réformer cette loi. Eléments déclencheurs de ce débat: faillite retentissante de la Sabena, problèmes récurrents dans le dossier de la SNCB et déclarations intempestives de l’administrateur délégué de La Poste, Frans Rombouts, suivie de sa mise au ban de l’entreprise.
« La modernisation des entreprises publiques était pourtant une des grandes priorités du gouvernement arc-en-ciel, rappelle Joëlle Milquet, la présidente du CDH. Mais son bilan apparaît fort sombre… »
Aux yeux du CDH, la philosophie et les objectifs premiers de la loi de 1991 restent une base intéressante. « Cette loi allie en effet une logique de compétitivité tout en mettant l’accent sur les services publics », signale Joëlle Milquet. Pour le CDH, il est donc hors de question de toucher à l’autonomie des entreprises publiques tout comme de remettre en cause le recours au contrat de gestion.
Certains dysfonctionnements ont été néanmoins pointés du doigt. « Ces dysfonctionnements ont surtout joué au niveau de l’application de la loi elle-même », signale Joëlle Milquet. Aux yeux du CDH, le rôle de l’Etat comme actionnaire n’a pas été suffisamment précisé ni mis en pratique, l’Etat n’a pas suffisamment développé sa capacité d’expertise afin d’identifier les missions de service public, il n’a pas suffisamment exercé de contrôle réel – sans aller jusqu’à l’immixtion!, insiste Joëlle Milquet -, l’Etat ne s’est pas donné les moyens financiers de réaliser ses objectifs, et enfin, il n’a pas été suffisamment attentif au processus de désignation des administrateurs. « Sur ce dernier point, la preuve en a encore été faite récemment avec les nombreuses tergiversations quant à la nomination du nouvel administrateur de la SNCB », renchérit-elle.
Pour le CDH, il s’agit donc de remédier à ces divers manquements. Pour ce faire, les dépositaires de la proposition, Jean-Jacques Viseur, Jean-Pierre Grafé, Raymond Langendries, André Smets et Joëlle Milquet, ont tracé cinq grands axes (lire encadré).
« Nous sommes pour un Etat qui soit un peu moins entrepreneur et un peu plus régulateur », plaide Joëlle Milquet. Mais pour cela, « il faut disposer d’une capacité suffisante d’évaluation des politiques mises en oeuvre ».
Comme le rappelle de son côté Jean-Pierre Grafé, le débat sur la réforme des entreprises publiques s’avère fondamental pour l’économie belge en général.
« Pour cela, insiste-t-il, il ne faut pas se limiter aux seules entreprises autonomes définies par la loi de 1991, mais élargir le principe à toutes les entreprises publiques. »
Selon les chiffres publiés par le Ciriec pour l’année 1998, les pouvoirs publics représentent 10,4% de l’emploi salarié, soit 200.000 personnes. Les entreprises publiques ont en outre réalisé à l’époque 11,3% de la valeur ajoutée et 10,9% des investissements bruts de l’ensemble de l’économie marchande non agricole.
Une forme de racket scolaire
Vrijmaking elektriciteitsmarkt in België levert weinig op
PROJET CORPORATE GOVERNANCE
PROJET CORPORATE GOVERNANCE
Le projet de loi permet un certain nombre de progrès dans une matière importante.
Néanmoins, le problème des conflits d’intérêts mérite une réflexion complémentaire. En effet, la gestion des conflits d’intérêts des réviseurs d’entreprise est largement abordée dans le projet, et les mesures envisagées sont très strictes, mais les conflits d’intérêts d’autres intervenants restent problématiques.
Les conflits d’intérêts des administrateurs.
1) Avant 19941, la loi sur les sociétés commerciales réglait la matière des conflits d’intérêts de façon claire et précise, mais rendait les transactions au sein des groupes financiers parfois lourdes. Du fait de la concentration d’actionnariat dans beaucoup d’entreprises, et du peu de souci des groupes d’accueillir des administrateurs indépendants, les conseils étaient parfois composés très largement d’administrateurs empêchés de siéger.
La reforme légale de 1994 visait à distinguer d’un côté les conflits d’intérêts personnels des administrateurs (l’article 60, devenu 523), et de l’autre les cas de décisions provoquant des conflits d’intérêt entre des sociétés cotées et leur actionnaire de contrôle (l’article 60 bis, devenu 524). Suite à des interventions diverses, la portée et le champ d’application de cet article 60 bis-524 ont été fortement réduits dans la loi définitive et dans certaines interprétations. L’argument avancé était souvent que nos entreprises sont petites et ne peuvent supporter des codes de conduites et normes de type international, trop contraignants. Les lois furent infléchies pour protéger les actionnaires, plutôt que les entreprises.
La modification actuellement proposée de l’article 524 est utile et bienvenue, mais ne réduit pas vraiment le nombre d’exemptions du champ d’application de cet article.
2) Certains administrateurs considèrent qu’ils siègent en Conseil d’Administration pour représenter le ou les actionnaires qui les ont fait nommer, et défendre leurs intérêts. Un actionnaire siègeant en conseil est tenu de respecter l’article 523 alors qu’un « représentant d’actionnaire » y échappe, et peut défendre en toute impunité un intérêt particulier opposé à celui de la société. Ceci est d’autant plus aisé en Belgique que la loi ne définit pas très précisément les devoirs de l’administrateur, même si elle se réfère à quelques endroits à « l’intérêt social », généralement compris comme l’intérêt de la société et de l’ensemble des actionnaires (les « associés »).
3) La situation actuelle peut donc être résumée comme suit : en Belgique, un administrateur ayant des conflits d’intérêt manifestes peut participer aux délibérations et décisions du Conseil d’Administration, pourvu qu’il ne se trouve pas dans une des deux situations prévues dans la loi de 1994.
Dans les autres pays industrialisés, les lois et règles sont plus claires et affirment mieux les devoirs, contraintes et incompatibilités des administrateurs, ainsi que l’obligation de gérer leurs conflits d’intérêts. Des entreprises belges actives internationalement doivent d’ailleurs y appliquer des règles plus strictes, sous peine de découvrir durement que ce qui est permis en Belgique est interdit ailleurs.
4) Il est donc nécessaire d’envisager quelques mesures :
- Réintroduire dans la loi un principe général selon lequel tout administrateur qui a des conflits d’intérêts structurels ou ponctuels doit les porter à la connaissance du Conseil d’Administration, et les gérer au mieux, sous peine de nullité de décisions, de responsabilité personnelle et d’amendes. Il est important que ceci inclue les conflits d’intérêt liés à la fonction.
- Instaurer des règles simples définissant les devoirs de l’administrateur, soit via des lois et règlements, soit via des codes professionnels approuvés par l’autorité (La Commission Bancaire et Financière). La Fondation des administrateurs a défini un tel code, joint à la présente. Parmi les devoirs des administrateurs vis-à-vis des sociétés, il importe d’insister sur le devoir de loyauté, le devoir de meilleur soin, le devoir de discrétion.
L’objectif en tout cas devrait être que la législation renforce la bonne gestion et la transparence des sociétés anonymes. Il ne faut pas non plus craindre de prendre des mesures, même législatives, de défense de l’indépendance des sociétés belges, car il en existe aussi à l’étranger; toutefois, les mesures de « défense » de l’ancrage belge par des privilèges accordés à des actionnaires de contrôle ont démontré qu’elles facilitaient plutôt la vente à l’étranger des sociétés belges, et pouvaient nuire à leur dynamisme.
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Pour rappel, avant la réforme de 1994, l’article 60 disait : “L’administrateur qui a un intérêt opposé à celui de la société dans une opération soumise à l’approbation du conseil d’administration, est tenu d’en prévenir le conseil et de faire mentionner cette déclaration au procès verbal de la séance. Il ne peut prendre part à cette délibération. Il est spécialement rendu compte, à la première assemblée générale, avant tout vote sur d’autres résolutions, des opérations dans lesquelles un des administrateurs aurait eu un intérêt opposé à celui de la société ».
Libéralisation de l’électricité et intérêt général
FORMATION ET CONTROLE DES PRIX
FORMATION ET CONTRÔLE DES PRIX
(Note de travail personnelle écrite en marge des réflexions du groupe d’experts)
1) LE CADRE
Le transport et la production d’électricité ont été et sont dans de nombreux cas encore assurés en monopole (ou oligopole de divers producteurs agissant avec répartition de territoire et accord tarifaire, que nous appelons ci-après, par facilité, monopole), soit pour des raisons politiques liées à une volonté de service public, soit pour des raison de risque économique ou économies d’échelle (le « monopole naturel »), ou encore pour les deux raisons.
Le monopole sur le transport est probablement appelé à subsister durablement. Celui sur la production évolue dans de nombreux pays, parfois rapidement, parfois plus lentement. Ces monopoles, tant qu’ils subsistent doivent faire l’objet d’un contrôle, pour éviter que le monopoliste (ou les oligopolistes) ne pratiquent des prix supérieurs à l’optimum économique.
De tels prix sont néfastes pour les utilisateurs et pour l’économie en général.
Dans de nombreux pays, et particulièrement lorsque le monopoliste est privé, une procédure de contrôle (les anglo-saxons parlent de « regulation », ce qui est plus large que le strict contrôle) des prix doit veiller à éviter des situations de prix abusifs. Parmi les méthodes de contrôle, on peut distinguer la méthode du cost plus, qui a traditionnellement été pratiquée aux Etats-Unis, et la méthode de price cap, pratiquée depuis une dizaine d’années en Angleterre.
La méthode de cost plus vise à contrôler les coûts et à assurer au monopoleur une rémunération stable. Dans cette optique, le monopole sait qu’il ne pourra pas maximiser sa rentabilité, mais il est par contre assuré d’une rentabilité.
Les missions essentielles du contrôleur sont donc de bien définir cette rémunération garantie, ainsi que de veiller à ce que les coûts du contrôlé ne soient pas exagérés, ni du fait d’inefficacité de gestion, ni du fait d’un gonflement anormal de ses coûts, qui pourraient profiter directement ou indirectement au contrôlé ou à des parties qui lui sont liées.
Le price cap est un système différent, dans lequel le contrôleur fixe périodiquement un prix maximum, en prenant en compte les données existantes quant aux coûts. Le contrôlé, entre les moments de révision des caps, peut maximiser le rendement de ses fonds propres ; ce système est censé encourager « naturellement » la réduction des coûts.
En Belgique, c’est le Comité de Contrôle de l’Electricité et du Gaz qui assume le contrôle. Dans une déclaration formelle le 23 avril 1983, les sociétés privées et publiques du secteur ont signé la convention entérinant la transformation du Comité de Contrôle en un établissement d’utilité publique, et qui comporte en annexe les statuts de cet établissement. Extrait de cette convention :
« L’article 4 des statuts précités dispose que :
… le Comité de Contrôle est chargé :
a) De veiller à ce que les tarifications et les conditions de fourniture de tous les clients en électricité et en gaz en ce compris les redevances, péages et frais à payer, soient établies en fonction de l’intérêt général ;
…
Dans l’esprit des organisations signataires de la présente déclaration, la notion d’intérêt général doit s’entendre comme impliquant que les tarifications et les conditions de fourniture, en électricité et en gaz, en ce compris les redevances péages et frais payés par les clients, établissent la transparence des coûts et conduisent aux prix les plus bas compatibles avec la qualité du service, tout en assurant l’équilibre financier des entreprises.
Cet équilibre financier requiert notamment que, pour assurer le financement des investissements nécessaires, les entreprises puissent avoir recours de façon normale aux marchés des capitaux national et/ou international tant pour leurs emprunts que pour la collecte de capitaux à risque.
Ce principe est, du reste, consacré dans sa convention du 29 janvier 1981 intervenue entre les secteurs publics (dont la SPE) et privé (dont le C.G.E.E.) de l’électricité, et approuvée par le Gouvernement au nom de l’Etat belge qui s’est engagé à y apporter sa collaboration. Il doit être admis que ce même principe est applicable à toutes les entreprises, qu’elles soient publiques, mixtes ou privées, appartenant aux secteurs de l’électricité et du gaz. »(*)
Cet article 4 ne prévoit pas de façon précise une formule établissant des prix, mais la déclaration établissait de façon claire les principes : les coûts doivent être transparents, les prix doivent être les plus bas, donc les plus près possible des coûts (avec la réserve de qualité de service) déterminés en fonction des coûts, tout en laissant aux entreprises du secteur une rémunération qui doit leur permettre de faire appel aux marchés des capitaux. Un tel système est en pratique un cost plus. La convention de 1994 n’infirme pas celle de 1983, maintien le principe d’intérêt général et de transparence des prix, et introduit un objectif de « prix le plus avantageux possibles qui dans la comparaison européenne seront favorables tout en assurant les missions de service public… ».
2) LA RENTABILITE DES FONDS PROPRES DE L’ACTIVITE CONTROLEE EN BELGIQUE
La rentabilité d’Electrabel est très suffisante pour lui permettre d’émettre des actions nouvelles. Il semblerait que l’activité contrôlée lui laisse une rentabilité bien supérieure à son activité non contrôlée. Les raisons de ce manque de rentabilité de l’activité non contrôlée méritent certainement un débat, mais ne concernent pas directement le contrôle.
La proportion de fonds propres utilisée dans le financement des activités régulées d’Electrabel mérite également un examen attentif. Cette proportion a rapidement augmenté au cours des dernières années, ce qui a tendance à accroître la composante « coût des fonds propres » dans le prix de l’électricité. En effet, le coût d’emprunt à long terme serait très nettement plus faible que le rendement octroyé actuellement aux fonds propres d’Electrabel. Ceci mérite certainement un débat.
3) AMORTISSEMENTS ET AUTRES COÛTS
Le tableau ci-dessous est extrait des rapports annuels d’Electrabel. En moyenne, les amortissements représentent plus de 10 % des actifs immobilisés. Il nous est impossible de dire si ces amortissements sont normaux, ou s’ils sont excessifs. Une analyse financière serait nécessaire, ainsi qu’une comparaison avec d’autres pays. Le choix des autres pays devrait être judicieux, car il semblerait qu’en Allemagne par exemple, où au cours des dernières années l’électricité était particulièrement chère également, les politiques d’amortissement autorisées aux producteurs ont également été particulièrement élevées.
Les taux d’amortissement utilisés sont les suivants (en %) :
PRODUCTION | TRANSPORT | DISTRIBUTION | R&D | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Thermique | Hydr. | Electricité | Gaz | TVD | |||
Bâtiments industriels et génie civil | 5 | 2 | 4 | 4 | 4 | 5.56 | |
Bâtiments administratifs | 3 | 3 | 3 | 3 | 3 | 3 | |
Immeubles d’habitation | 3 | 3 | 3 | 3 | 3 | 3 | |
Installations et machines | 5 | 3 | 4 | 4 | 4 | 5.56 | 5 |
Lignes, câbles et conduites | 2.5 | 4 | 4 | 5.56 | |||
Antennes | 20 | ||||||
Fibres optiques | 10 | 10 | |||||
Dispatchings et télétransmission | 10 |
En tout cas deux éléments objectifs semblent indiquer que les amortissements dépassent ce qui est économiquement nécessaire :
- La valeur de reconstruction du réseau de transport serait, aux dires mêmes d’Electrabel, deux fois supérieure à sa valeur comptable, c’est-à-dire 140 milliards par rapport à 70 milliards.
- Les centrales nucléaires devraient être totalement amorties entre 2001 et 2003, alors que leur durée de vie semble se situer encore au moins entre 15 et 20 ans.
Quant aux autres coûts, ils devraient également faire l’objet d’un examen détaillé. Les frais d’entretien et de réparation, à 25 milliards par an, soit 10 % des actifs, semblent relativement élevés, et on peut se demander, dans la mesure où certains de ces frais auraient un caractère de gros entretien ou d’extension de capacité, s’il n’est pas plutôt indiqué de les activer. La non activation de ce type de frais (tout comme l’amortissement rapide) a pour résultat d’accroître les coûts immédiat et de sous-évaluer l’actif. Les postes de provisions et de coûts de services et biens divers sont également relativement élevés chaque année. L’entreprise est en tout cas généreuse pour elle-même en dotation aux amortissements et aux provisions ainsi qu’en prestation de services et biens divers. Elle a été moins prudente quant à ses obligations de pensions, particulièrement dans le secteur de la distribution.
L’ensemble des coûts annoncés devrait faire l’objet de contrôles, entre autres les achats de biens et services auprès de sociétés du groupe de l’actionnaire dominant d’Electrabel, et les dépenses encourues dans le cadre d’activités dont bénéficie cet actionnaire. Electrabel est soumis aux procédures de marchés publics, mais ceci ne semble pas faire l’objet de contrôles.
Remarque : les « gains de productivité »
La notion souvent évoquée de « gain de productivité » mérite un débat : une société comme Electrabel, qui amorti de façon rapide, voit régulièrement et automatiquement certains équipement tomber à 1 franc dans son bilan. Ces équipements étant en parfait état de marche (grâce entre autres à des entretiens soigneux) produisent toujours des revenus et n’occasionnent plus de coûts d’amortissement. Cela ne représente pas un gain de productivité au sens économique du terme, mais bien une réduction de coût (des amortissements).
Parler de gains de productivité est dans cette mesure quelque peu fallacieux, mais on comprend que cela permet plus facilement de justifier que ces réductions de coûts puissent faire l’objet de marchandages, plutôt que d’être automatiquement ristournés en réduction de tarif aux consommateurs. Une application correcte des statuts et conventions du Comité de Contrôle, semble pourtant signifier que toute réduction de coût doit se refléter dans les prix.
4) L’AVENIR, PRICE CAP, COST PLUS OU AUTRES
- La rémunération des fonds propres, le niveau des fonds propres, et les politiques d’amortissement sont des paramètres essentiels dont l’analyse doit faire l’objet d’un examen constant de la part des contrôleurs. A tout le moins, on peut dire que le Comité de Contrôle ne nous a pas communiqué des analyses documentées à cet égard.
La Belgique semble représenter un cas où le contrôlé a capturé son contrôleur. Le métier de contrôleur est de toute façon difficile et notre propos n’est en rien de suggérer des reproches, mais notre conviction est que le système de contrôle doit être revu en profondeur, non pas tellement quant à ses objectifs, mais quant aux méthodes pratiquées utilisées et plus encore quant aux contrôles. Les objectifs de transparence des coûts et d’intérêt général ne font pas suffisamment l’objet de contrôles et d’évaluation. Ceci est une des causes essentielles du niveau de prix trop élevé de l’électricité en Belgique.
Il semble en tout cas important dans ce cadre de suggérer des mesures qui devraient permettre une amélioration substantielle des contrôles, sur l’ensemble des coûts des activités contrôlées, et une amélioration de la méthode. La définition de la composante NE doit en tout cas être revue, car elle est un facteur anormal d’accroissement des coûts, et n’est pas conforme aux principes définis dans les statuts et conventions.
- La méthode utilisée jusqu’à présent a aussi permis des dotations très généreuses aux amortissements ; ce dernier point devrait se traduire automatiquement par des réductions de prix dans les années à venir, plusieurs outils étant complètement amortis.
Cet automatisme a été confirmé par certaines parties contrôlantes du Comité de Contrôle, et il est explicite dans le courrier que l’Administrateur délégué de la FEB a envoyé au Gouvernement pour se plaindre de ce que le Comité de Contrôle qu’il préside ait été interpellé par le Groupe d’Experts. Il faudrait cependant vérifier s’il est bien appliqué dans les plans à court terme du Comité de Contrôle.
- Un système de price cap fixe des prix maxima, valables durant une certaine période (3 ans, 5 ans, …), qui laisse aux industriels une rentabilité sur fonds propres raisonnable ; tous les gains de productivité futurs sont pour les industriels. Ce système a été utilisé par les utilities (eau, gaz, électricité) anglaises; il est probablement responsable des conséquences sociales les plus brutales et des niveaux de profits souvent jugés excessifs dans le système anglais au cours des premières années d’application. Ce système serait à notre avis encore plus éloigné des principes d’intérêt général du Comité de Contrôle, et nécessiterait une modification de ses statuts. Nous croyons qu’un tel changement serait particulièrement peu avisé. En effet, il risque de priver définitivement les consommateurs (particulièrement les ménages), qui ont le plus souffert des inconvénients du système dans le passé, des avantages que le système pourrait leur offrir dans un avenir proche et qui dans l’esprit des contrôlants étaient implicitement promis. Un système de price cap aurait également pour effet d’encourager subitement une modification en profondeur de la politique sociale d’Electrabel, qui serait à tout le moins en contradiction avec la tradition du secteur, et pourrait représenter un risque de troubles.
L’abandon d’un système de cost plus en ce moment ferait ressembler les consommateurs d’électricité captifs à un particulier qui a acheté une voiture en leasing en acceptant de payer des mensualités élevées, parce qu’on lui a dit qu’il en profiterait plus tard sous forme d’une valeur de rachat très bon marché, et à qui l’on dirait à l’échéance de son contrat qu’il n’avait pas bien lu celui-ci et que le bénéfice de ses mensualités élevées antérieures reviendra plutôt à sa banque.
Un système de cost plus doit être appliqué pour le GRT qui a une vocation naturelle à être une société d’intérêt général, et dont les bénéfices doivent être strictement définis. Un système de cost plus doit rester en vigueur pour les prix facturés aux consommateurs maintenus captifs.
Il est clair cependant qu’un tel système de cost plus, conforme aux principes définis dans les statuts du Comité de Contrôle, devrait être appliqué avec des moyens beaucoup plus larges d’investigation et de contrôle par une instance de Contrôle beaucoup plus efficace.
- La problématique des stranded costs mérite également une réflexion à la lumière de cette analyse : la collectivité belge devrait supporter sous forme de stranded costs (qui représenterait un accroissement de coût pour le consommateur, même s’ils sont payés par les producteurs étrangers) des frais qui auraient normalement dû être pris en charge au cours des années passées, et ne l’ont pas été pour permettre, via des dotations aux amortissements et autres dépenses, la mise en place d’un véritable trésor caché chez Electrabel. Il semble qu’une analyse et un débat contradictoires devraient permettre de déterminer si la dotation aux fonds de pensions (tant en production qu’en distribution), qui est tout à fait indispensable, ne devrait pas en priorité être assurée par l’utilisation du trésor caché. Ce « trésor caché » doit d’une façon ou d’une autre revenir aux consommateurs, à travers des prix bas tant que subsiste le système régulé, et à travers la mise en place d’un système de stranded benefit permettant de financer des programmes d’URE et d’autres initiatives au bénéfice de l’ensemble des consommateurs.
(*) Cette convention a été signée par :
Le Comité de Gestion des Entreprises d’Electricité (C.G.E.E.), Section Production et Section Distribution, ainsi que les entreprises suivantes :
Les sociétés privées de Production d’Electricité : INTERCOM – EBES –UNERG; La Société publique de Production d’Electricité (SPE); Les Sociétés privées de Distribution d’Electricité : INTERCOM – UNERG – EBES; La Section Figaz pour la Coordination du Transport et de la Distribution du Gaz : (CTD-GAZ); La Société de Transport de Gaz : DISTRIGAZ; Les Sociétés privées de Distribution de Gaz : ANTWERPSE GASMAATSCHAPPIJ (AGM) – INTERCOM – UNERG – EBES