L’Echo de la Bourse

L’indépendance des administrateurs, une nécessité pour les entreprises publiques Point de vue· Eric de Keuleneer (Fondation des administrateurs) livre ses impressions sur le projet de réforme du CDH L’indépendance des administrateurs, une nécessité pour les entreprises publiques L’Etat doit jouer son rôle d’actionnaire sans pour autant s’immiscer dans la gestion.

Il y a tout juste une semaine, le CDH a déposé au Parlement une proposition de loi visant à adapter la loi de 1991 sur les entreprises publiques autonomes (lire L’Echo du 13 juillet).

Comment ce projet est-il perçu dans le milieu des administrateurs? Nous avons pris le pouls auprès d’Eric de Keuleneer, président de la Fondation des administrateurs.

Dans l’ensemble, Eric de Keuleneer juge la proposition faite par le CDH intéressante. Diverses autres propositions émanant des partis de la majorité étaient déjà venues sur la table à la fin de l’année dernière. « Cette proposition-ci a malgré tout le mérite d’être très complète et de réunir un ensemble de problématiques déjà mises en avant en décembre passé, mais de manière plus éclatée. »

Le président de la Fondation des administrateurs se réjouit ainsi que le débat sur la réforme des entreprises publiques soit toujours à l’ordre du jour. Selon lui, prendre comme base la loi de 1991 – comme l’a fait le CDH -, est une bonne chose.

Passant en revue la proposition de loi déposée par le groupe CDH à la Chambre, Eric de Keuleneer y retrouve bon nombre d’éléments positifs.

« L’importance du contrat de gestion est incontestable, explique-t-il.  Vouloir renforcer son application relève donc du bon sens. » Mais, pour Eric de Keuleneer, ce contrat doit inscrire des objectifs contraignants. « En définissant ces objectifs, l’Etat jouera pleinement son rôle d’actionnaire », poursuit-il.

Tout comme le CDH, Eric de Keuleneer estime que cela ne doit pas non plus se faire en s’immisçant dans la gestion de l’entreprise publique. « Elle reste, par définition, autonome. L’Etat ne doit donc que faire jouer ses intérêts légitimes en tant qu’actionnaire, sans aller plus loin pour autant. »

Le cinquième axe de la proposition de loi du CDH visant à dynamiser le rôle du commissaire du gouvernement a également attiré l’attention du président de la Fondation.

« Les administrateurs ne doivent pas être chargés d’autres intérêts que les intérêts propres de la société. »

« Son rôle est très important, signale-t-il. Il a notamment pour charge de clarifier le rôle des administrateurs et de trancher dans les conflits d’intérêts au sein du conseil d’administration. »

A ce niveau se pose bien évidemment la question de la composition de ce conseil d’administration. « Dès lors qu’ils sont là pour veiller aux intérêts de l’Etat, il est normal que tous les administrateurs veillent à ce que la société soit bien gérée et remplisse convenablement ses missions », explique Eric de Keuleneer.

Un débat s’est fait jour dans certaines sphères sur la question de la nécessité d’instaurer un conseil d’administration où coexisteraient, d’une part, des administrateurs défendant les intérêts de l’actionnaire public et, d’autre part, des administrateurs « indépendants » défendant les intérêts de l’entreprise. Le CDH lui-même a relayé cette idée avant de la retirer de sa proposition.

Eric de Keuleneer estime pour sa part qu’il serait dangereux que certains administrateurs soient chargés d’autres intérêts que ceux de la société elle-même. « Je ne suis pas certain qu’il faille faire la différence entre ces deux types d’administrateurs, explique-t-il. Mais si cette option devait un jour être mise sur la table, il faudra qu’il y ait une large majorité d’administrateurs indépendants. »

Eric de Keuleneer est ainsi un fervent convaincu de la nécessité de l’indépendance d’esprit des administrateurs. « Ces derniers ne devraient pas être chargés d’autres intérêts que les intérêts de la société », pense-t-il.

De par l’existence du contrat de gestion, les intérêts de la société vont bien entendu de pair avec les intérêts de l’Etat.

«La notion d’administrateur indépendant ne veut également pas dire qu’il ne doit rendre des comptes à personne, insiste Eric de Keuleneer. « Il doit être guidé par une mission spécifique et s’inscrire dans l’objectif social de l’entreprise tout en rendant des comptes aux actionnaires, dont l’Etat, précise-t-il. Mais cela peut se faire avec une large indépendance d’esprit. »

Cette notion d’indépendance doit donc être vue dans le sens d’une absence de conflits d’intérêts. « L’administrateur ne doit pas être trop proche du management, ni trop proche d’une éventuelle société concurrente par exemple », explique Eric de Keuleneer. « Il ne faudrait pas que, sous couvert de la défense des intérêts de l’Etat, l’administrateur défende d’autres intérêts plus personnels… »

La proposition du CDH d’instaurer une charte des administrateurs est également vue d’un bon oeil par le président de la Fondation des administrateurs. « Cette charte devrait permettre au gouvernement de mieux définir ce qu’il attend des administrateurs, mais également de mieux évaluer leur travail. Elle constitue donc un moyen efficace de contrôle du conseil d’administration », estime Eric de Keuleneer.

Une telle méthode a d’ailleurs été adoptée il y a deux ans par la Fondation.  Une charte similaire a ainsi été rédigée, adoptée par certaines sociétés et débattue dans certaines entreprises publiques.

Un CA équilibré

Selon Eric de Keuleneer, la composition du conseil d’administration doit respecter les équilibres démocratiques. L’appartenance politique des différents administrateurs ne constitue donc pas, selon lui, un véritable problème à partir du moment où les équilibres sont respectés. « Mais ces administrateurs doivent également être choisis en fonction de leur motivation et de leurs capacités à jouer convenablement leur rôle», insiste-il. «Mais des problèmes pourront toujours apparaître, poursuit-il.

Tout comme dans les entreprises privées, où certaines nominations sont également parfois faites en fonction des intérêts particuliers des uns ou des autres…. »

1. Entreprises publiques: une réforme est proposée

institutions·Le CDH dépose une proposition de loi en vue d’adapter la loi de 1991 Entreprises publiques: une réforme est proposée Selon le CDH, la loi existante constitue une bonne base mais elle doit être mieux appliquée.

On l’avait annoncé à la fin de l’année 2001, des projets de réforme des entreprises publiques verraient encore le jour durant l’année 2002. Une initiative concrète est venue cette semaine de l’opposition. Le CDH a déposé une proposition de loi en vue de modifier la loi du 21 mars 1991 sur les entreprises publiques autonomes.

Tout au long de l’automne passé, le monde politique a largement débattu de la nécessité de réformer cette loi. Eléments déclencheurs de ce débat: faillite retentissante de la Sabena, problèmes récurrents dans le dossier de la SNCB et déclarations intempestives de l’administrateur délégué de La Poste, Frans Rombouts, suivie de sa mise au ban de l’entreprise.

« La modernisation des entreprises publiques était pourtant une des grandes priorités du gouvernement arc-en-ciel, rappelle Joëlle Milquet, la présidente du CDH. Mais son bilan apparaît fort sombre… »

Aux yeux du CDH, la philosophie et les objectifs premiers de la loi de 1991 restent une base intéressante. « Cette loi allie en effet une logique de compétitivité tout en mettant l’accent sur les services publics », signale Joëlle Milquet. Pour le CDH, il est donc hors de question de toucher à l’autonomie des entreprises publiques tout comme de remettre en cause le recours au contrat de gestion.

Certains dysfonctionnements ont été néanmoins pointés du doigt. « Ces dysfonctionnements ont surtout joué au niveau de l’application de la loi elle-même », signale Joëlle Milquet. Aux yeux du CDH, le rôle de l’Etat comme actionnaire n’a pas été suffisamment précisé ni mis en pratique, l’Etat n’a pas suffisamment développé sa capacité d’expertise afin d’identifier les missions de service public, il n’a pas suffisamment exercé de contrôle réel – sans aller jusqu’à l’immixtion!, insiste Joëlle Milquet -, l’Etat ne s’est pas donné les moyens financiers de réaliser ses objectifs, et enfin, il n’a pas été suffisamment attentif au processus de désignation des administrateurs. « Sur ce dernier point, la preuve en a encore été faite récemment avec les nombreuses tergiversations quant à la nomination du nouvel administrateur de la SNCB », renchérit-elle.

Pour le CDH, il s’agit donc de remédier à ces divers manquements. Pour ce faire, les dépositaires de la proposition, Jean-Jacques Viseur, Jean-Pierre Grafé, Raymond Langendries, André Smets et Joëlle Milquet, ont tracé cinq grands axes (lire encadré).

« Nous sommes pour un Etat qui soit un peu moins entrepreneur et un peu plus régulateur », plaide Joëlle Milquet. Mais pour cela, « il faut disposer d’une capacité suffisante d’évaluation des politiques mises en oeuvre ».

Comme le rappelle de son côté Jean-Pierre Grafé, le débat sur la réforme des entreprises publiques s’avère fondamental pour l’économie belge en général.

« Pour cela, insiste-t-il, il ne faut pas se limiter aux seules entreprises autonomes définies par la loi de 1991, mais élargir le principe à toutes les entreprises publiques. »

Selon les chiffres publiés par le Ciriec pour l’année 1998, les pouvoirs publics représentent 10,4% de l’emploi salarié, soit 200.000 personnes. Les entreprises publiques ont en outre réalisé à l’époque 11,3% de la valeur ajoutée et 10,9% des investissements bruts de l’ensemble de l’économie marchande non agricole.

Posted by Eric De Keuleneer at 12:00