La Belgique pourrait être moins dépendante des marchés internationaux

Interview par Ariane van Caloen pour La Libre Belgique du 17/12/2010

Eric De Keuleneer (Solvay Brussels School) lance l’idée de bons d’Etat avec le même privilège fiscal que les livrets d’épargne.
Entretien

Eric De Keuleneer, professeur à la Solvay Brussels School of Economic and Management, estime qu’il existe d’autres solutions à la crise de la dette souveraine. Explications.

Que pensez-vous de la dernière révision de notation de l’Etat belge et de la Région flamande ?

Les notations faites par les agences pour les entreprises sont relativement professionnelles et satisfaisantes. Pour les Etats, les agences ne sont pas crédibles car la qualité de la dette d’un pays dépend de quantité de facteurs non mesurables comme des impondérables macroéconomiques ou des facteurs politiques. De toute façon, le modèle est fragile dans la mesure où les agences sont payées par les entreprises qu’elles sont censées juger. Ce qui rend la qualité de leur avis suspecte. De plus, le modèle est perverti par une centralisation excessive. Les décisions en matière de notation sont prises par quelques experts tout-puissants à l’image de ce qui se passait sous le régime soviétique. La centralisation est contraire au principe de marché selon lequel une myriade de décisions autonomes apporte de l’efficience.

En attendant, les avis des agences de notation ont un impact non négligeable sur les marchés…

Effectivement, ils influencent les marchés aussi parce que les banques centrales, dont la BCE, et les régulateurs utilisent encore ces ratings pour juger la qualité des papiers qu’ils traitent quotidiennement.

Un pays comme la Belgique a-t-il les moyens de ne pas être dépendant des avis de ces agences de notation et des réactions des marchés ?

La Belgique peut s’organiser pour ne pas être trop dépendante des marchés internationaux. L’Etat pourrait probablement financer une plus grande partie de sa dette auprès des épargnants belges, par exemple, en donnant aux bons d’Etat le même privilège fiscal qu’aux livrets d’épargne.

Cela lui permettrait d’emprunter à des taux raisonnables et en étant moins dépendant des marchés internationaux.

Mais les Belges ont-ils l’épargne suffisante ?

Bien sûr ! L’épargne des Belges est considérable.

Pour le moment, une grande partie de l’épargne des Belges est investie en obligations ou en produits structurés de qualités diverses. Même les 210 milliards placés sur les livrets d’épargne sont, pour une partie significative, investis en obligations étrangères de qualité parfois nettement moindre que celle de l’Etat belge. De plus, nos grandes banques déposent régulièrement des milliards auprès de leur maison-mère ou de filiales à l’étranger.

On a été trop vite dans l’internationalisation des dettes d’Etat. Cette internationalisation et l’usage abusif des agences de rating ont encouragé des déficits excessifs et un surendettement des Etats.

 

Posted by Eric De Keuleneer at 8:39