Banques éthiques, banques Islamiques

Certaines banques présentent un profil spécifique de type moral, qui s’inscrit dans deux cadres principaux : la finance éthique et la finance islamique. Les deux approches visent à  répondre à la demande de clients qui souhaitent moraliser leurs placements financiers, et plus largement aussi l’activité économique et financière.

La Finance Ethique, dans sa première version, concernait principalement la gestion de fortune à l’intention de congrégations religieuses. Des portefeuilles et des fonds d’investissements spécialisés  excluaient d’investir dans les actions de sociétés du secteur de l’alcool, du tabac, etc.  Depuis les années 1990, certains fonds ont ajouté à ces premiers critères une approche de « Responsabilité Sociale (ou Sociétale) ». Cette approche va plus loin que les pratiques d’exclusion de la finance éthique, et vise à favoriser des investissements dans des entreprises démontrant un comportement respectueux de leur rôle dans la Société à divers égards. Nous parlerons de ces Fonds d’Investissements à la Section 5.2.2 et évoquerons la problématique du contrôle de leursinformations, qui encourage l’apparition d’agences de notation spécialisées, pas encore toutes très convaincantes d’ailleurs.

Il existe aussi un secteur de « banques éthiques », secteur de volume limité mais qui, grâce à la crédibilité de longue durée de certains acteurs, exerce une influence non-négligeable au Benelux en Allemagne, en Scandinavie,… Il est  composé d’une part de banques  commerciales de type traditionnel qui proposent des placements éthiques ou socialement responsables et  s’engagent à ne prêter qu’à des conditions éthiques et à fonctionner avec un profit raisonnable et des rémunérations raisonnables – ce qui met aussi en lumière que dans de nombreuses autres banques l’accroissement des rémunérations et la généralisation des bonus ont été de pair avec une réduction de l’éthique de comportement-. Ce secteur comprend aussi d’autre part des sociétés ou  coopératives de crédit éthique ou solidaire, avec le même but, ainsi que celui de lutter contre l’exclusion financière. Les institutions de micro-crédit en Europe entrent généralement dans cette dernière catégorie, malgré quelques exceptions qui espèrent y avoir trouvé une nouvelle source de profit élevé pour des investisseurs ou des intermédiaires.

La Finance Islamique est proche de la Finance Ethique, mais son encadrement va plus loin et elle est plus codifiée.  La Finance Islamique doit répondre à deux grandes exigences : premièrement, les  institutions financières ne peuvent payer ou recevoir des intérêts au sens habituel, c’est-à-dire une rémunération d’un prêt ou d’un crédit sans participation à un risque économique (en plus du  risque-crédit)[1].  Deuxièmement, comme dans le reste de la finance éthique, certains financements sont interdits : secteurs de  l’alcool, du tabac, mais également des paris et des jeux, certaines activités alimentaires, etc. De plus, la Finance Islamique proscrit les financements qui ne sont pas basés sur des activités réelles, donc les activités spéculatives. Les financements par fonds propres ne sont certainement pas découragés.

Il existe d’une part des banques islamiques qui s’engagent à fonctionner en tous points conformément aux règles de la Finance Islamique.  Il y a aussi des banques internationales qui pratiquent la finance islamique à côté de leurs activités professionnelles ; elles doivent alors suffisamment canaliser et isoler ces activités islamiques du reste de leurs activités.

La conformité des activités de Finance Islamique par rapport aux principes doit être vérifiée par un conseil de la Sharia, généralement localisé au sein de la Banque, mais jouissant en principe d’une grande indépendance de décision, et fonctionnant en général avec rigueur. La Finance Islamique a généralement des  règles plus strictes et normalisées que la Finance Ethique ou Socialement Responsable, et un contrôle sur la fiabilité du respect des règles plus convaincant.

 Ces deux secteurs sont d’importance croissante, et porteurs d’espoir d’un assainissement de certaines pratiques financières, mais leurs acteurs devront encore faire face à de nombreux défis, entre autres en matière de transparence, de praticabilité et crédibilité des contrôles, d’universalité des normes, etc.  Ils font l’objet de recherches et de publications nombreuses, et nous ne les étudierons pas en détail dans ce livre.


[1] L’interdiction de rémunération sans risque correspond à une interdiction de l’usure, appelée dans l’Islam Riba.  Certains exégètes considèrent que l’interdiction de la Riba vise à interdire un taux d’intérêt excessif, mais le courant majoritaire qui s’est aujourd’hui imposé exige l’interdiction pure et simple du taux d’intérêt.  La finance islamique a développé, ces dernières décennies, un certain nombre d’instruments qui combinent une rémunération proche d’un intérêt, avec un certain risque, afin d’offrir des produits de dépôt et de crédit.

 

Posted by Eric De Keuleneer at 2:03