Les dangers des grandes banques universelles et les régulations simples pour les réduire

Introduction

Parmi les mesures à envisager pour assainir le paysage bancaire dans le monde, il est proposé de scinder les banques entre, d’une part, les activités de banque commerciale – c’est-à-dire les activités de dépôt et de crédit –, et d’autre part, les activités spéculatives et d’investment banking – c’est-à-dire les activités de prise de risques en marché primaire et marché secondaire de titres. Une telle mesure serait probablement nécessaire pour modifier en profondeur les pratiques bancaires défaillantes, mais elle ne serait pas suffisante, et d’autres mesures devraient l’accompagner. Au-delà des questions de principe et de lobbying bancaire qui accompagnent souvent ce débat, il ne faut pas perdre de vue qu’un des principaux enjeux de ce problème concerne la protection des déposants, qui sont souvent fort mal lotis dans leur statut actuel. Nous voudrions donc examiner ici certains de ces aspects de principe et de lobbying bancaire, mais aussi la problématique pressante de la protection des déposants bancaires dans les grandes banques universelles, et des risques courus par les États garants de ces dépôts.

Réformer les banques universelles pour protéger les déposants et l’économie

Les déposants deviennent des créanciers de deuxième rang, « subordonnés » aux autres.

Les déposants de nombreuses banques sont souvent placés en situation fragile, sans même en être informés, car ces banques ont directement et indirectement utilisé les dépôts de clients pour financer leurs activités spéculatives. Ces dernières années, cette situation a tendance à s’aggraver, car ces activités sont de plus en plus consommatrices de liquidités et de garanties. De nombreuses banques utilisent maintenant leurs meilleurs actifs pour constituer des garanties (du « collateral », en franglais financier) auprès de contreparties de ventes à découvert et de transactions sur produits dérivés d’une part, mais aussi en faveur d’obligations dites « couvertes », qui sont des dettes de la banque tout comme les dépôts, mais de plus reçoivent en privilège, en « couverture », des actifs de qualité. Cette pratique peut sembler inoffensive, mais en réalité elle relègue les déposants au niveau de prêteurs de second rang, subordonnés. Car si la banque fait faillite, les meilleurs actifs serviront d’abord à dédommager les créanciers privilégiés, dont ceux qui bénéficient de ces « collaterals » ou « couvertures ». Les déposants, qui ne sont pas « couverts », n’auront plus grand-chose. Dans la mesure où les dépôts de particuliers sont garantis par l’État (jusqu’à un certain montant), le risque principal est supporté par celui-ci, c’est-à-dire, in fine par les contribuables, et donc, en fait, par les citoyens, qui auraient bien tort de se désintéresser au problème.

Une séparation des activités spéculatives devrait surtout viser à mieux protéger les déposants, et serait économiquement très saine.

Les pays anglo-saxons ont attaqué le problème des risques excessifs que font courir aux déposants les grandes banques « universelles », c’est-à-dire les banques qui combinent l’activité de banque commerciale (dépôts et crédits) et l’activité d’investment bank (prise de risques de spéculation et de marché). Au Canada et en Australie, les banques sont étroitement régulées depuis des années ; les États-Unis sont en train de mettre en place la « Volcker Rule » qui interdira aux banques les activités de spéculation pour compte propre, mais sera probablement insuffisante vis-à-vis des grandes banques ; l’Angleterre, qui a connu avec ses grandes banques des problèmes similaires à ceux de la Belgique, a décidé après longue réflexion et analyse, d’imposer progressivement une séparation au moins juridique entre les activités de banque commerciale et d’investment bank. Toute banque anglaise devra soit arrêter la prise de risques de marché, soit organiser son activité de banque commerciale en filiale séparée qui devra être « cantonnée » (« ringfenced »), isolée de l’investment bank et ne pourra lui prêter qu’un montant limité.

Pour prendre un exemple simple, ce serait un peu comme si, au sein du groupe Dexia, Dexia Banque Belgique (grosso modo la banque de dépôt du groupe) avait eu interdiction expresse de prêter plus de quelques milliards à Dexia S.A. et Dexia France (l’entité la plus spéculative du groupe), au lieu des 50 à 60 milliards d’euros qu’elle a effectivement prêtés, au mépris d’ailleurs des principes de bonne gestion. L’État belge, parce qu’il garantissait les dépôts de Dexia Banque Belgique a donc été obligé de prendre des risques de dizaines de milliards pour empêcher la faillite de Dexia France et du groupe Dexia, parce que Dexia Banque Belgique avait trop prêté à ces deux entités qui pratiquaient des risques de marché exagérés. Si Dexia Banque Belgique (entre-temps rachetée par l’État belge et rebaptisée Belfius) avait été correctement gérée ou « cantonnée », elle n’aurait pas été polluée par les problèmes de l’entité spéculative, de  l’« Investment bank » du groupe Dexia.

Les lobbys bancaires préfèrent le statu quo

La bonne gestion des grandes banques universelles étant aléatoire, une protection réglementaire et légale est nécessaire. Les grandes banques universelles combattent les propositions de séparation de banques ou de généralisation de ces règles anglaises à toute l’Union européenne, sous divers prétextes :

-         Cela réduirait leur taille, or la taille, selon elles, serait essentielle en matière bancaire. Curieux, car les études démontrent qu’une très grande taille est plutôt défavorable à l’efficience et très défavorable au contrôle des risques. La recherche de cette très grande taille par les grandes banques européennes a surtout été un prétexte à des fusions et acquisitions exagérées, qui ont réduit la concurrence et accru le risque des banques, sans apporter de gains d’efficience, ni en matière de coûts, ni en matière de revenus. Dans de nombreux domaines, les banques les plus efficientes sont de taille petite ou moyenne, et les problèmes de gestion informatique, souvent essentiels pour l’avenir des banques, y sont aussi traités de façon plus efficiente.

-         Elles devraient se séparer de leurs activités les plus rentables, et donc compenser en augmentant les tarifs pour les clients de l’activité de banque commerciale. Rien n’indique que cette rentabilité est supérieure, en tout cas sur le long terme, et surtout après paiement de bonus et autres rémunérations variables aux « traders », largement octroyés dans les salles de marché. Très souvent, de grandes banques européennes compensent, au contraire, leurs pertes dans leurs activités de marché par la rentabilité de leurs activités traditionnelles. De nombreuses banques commerciales stricto sensu, de toute taille, en Europe et dans le monde, montrent que l’activité traditionnelle, bien gérée, est tout à fait rentable. Dans divers pays européens, des banques éthiques montrent aussi qu’il est possible de faire le métier de banquier de façon rentable, dans des banques de taille raisonnable, pratiquant des rémunérations raisonnables, et appliquant des règles éthiques rigoureuses dans leurs activités.

-         Elles ne pourraient plus offrir à leurs clients les services de leurs activités de marché. En réalité, beaucoup de ces services consistent en des produits compliqués, opaques, voire dangereux, que les salles de marché et des « conseillers » commerciaux vendent sans beaucoup de discernement à des clients trop confiants. Les exemples sont nombreux d’épargnants appauvris par des produits d’épargne alambiqués et trompeurs. Même des entreprises et pouvoirs publics ont été induits en erreur par la complexité et ont sous-estimé le danger de certains crédits apparemment peu coûteux, ou de protections de marché peu fiables. Des salles de marché prenant des risques de marché ont un conflit d’intérêts important lorsqu’elles traitent avec des clients et cherchent à leur vendre des instruments financiers, directement ou au travers de vendeurs au sein de la même banque. Une banque commerciale ne prenant pas de risques de marché peut au contraire donner de vrais conseils à ses clients en ces matières, et acquérir ou assembler les produits adéquats, aux meilleures conditions de marché. Dans de nombreux pays, dont la plupart du continent européen, ce modèle universel a permis de réduire fortement la concurrence dans l’activité bancaire et financière : les grandes banques collectent les dépôts, mais offrent aussi les autres instruments de collecte d’épargne, fonds d’investissement, assurances-vie (vraies et fausses), et cherchent par la concentration d’activités à éviter la concurrence, et à consolider leurs larges parts de marché.

Les grandes banques universelles souhaitent garder la subvention que constitue la garantie d’État sur leurs dépôts et, de façon générale, sur leur survie (le syndrome « too big to fail »), et donc le financement à bon marché de leurs activités de marché, activités qui ont de gros besoins de financement. Il permet aussi aux grandes banques de contrôler les marchés d’emprunts d’État, et donc de menacer non seulement les entreprises, mais aussi les États, dans leur financement, lorsque les projets de régulation menacent leur système. En examinant ce système, on se rend compte que les grandes banques universelles nient et combattent les principes mêmes de l’économie de marché, c’est-à-dire la concurrence, la transparence, l’absence de subventions publiques, la rémunération au mérite, etc.

Il serait donc très opportun de s’engager dans une réflexion sur ces matières, et sur la question de la taille optimale – ou excessive – des banques, dans l’intérêt de l’économie, mais aussi dans l’intérêt de la majorité des banques elles-mêmes – qui est différent de l’intérêt des grandes banques universelles. Les États-Unis sont parvenus à assainir leur secteur bancaire plus rapidement que l’Europe, entre autres grâce à la présence de milliers de banques commerciales de taille souvent petite et moyenne, et malgré les dégâts causés (dans le monde entier) par leurs grandes banques universelles et investment banks. En attendant, une formule de protection des déposants et de l’État doit être trouvée.

Des dépôts couverts ; les déposants doivent-ils rester moins bien protégés que les autres créanciers des banques ?

Des mesures de séparation des banques de dépôt et de l’investment banking, à l’anglaise, devraient être prises dans le cadre d’une réforme profonde du système bancaire, ce qui peut prendre du temps. Aussi longtemps que de telles mesures ne sont pas appliquées en Belgique, l’État serait peut-être bien inspiré de prévoir une pratique simple de couverture des dépôts bancaires, similaire d’ailleurs aux « obligations couvertes » émises par les banques : puisqu’on fait bénéficier certains créanciers et contreparties d’une « couverture », pourquoi pas les déposants particuliers ?

Un mécanisme simple de protection des dépôts devrait prévoir qu’une banque établie en Belgique et qui y collecte des dépôts aurait obligation de donner en nantissement de ces dépôts les crédits et autres actifs qu’ils financent. Simple et logique. Si l’État belge continue de garantir ces dépôts, il bénéficiera aussi de ce nantissement qui réduira son risque à un niveau raisonnable. L’État pourra moduler la prime qu’il perçoit sur les garanties qu’il octroie en fonction de la qualité des actifs reçus en nantissement et en refuser certains, selon les évaluations que font les régulateurs pour juger de la qualité d’un portefeuille de crédits. Ceux-ci doivent pouvoir faire sans problème ce genre d’évaluation pour des portefeuilles normaux de crédits normaux à des particuliers, des entreprises, des pouvoirs publics, etc. (en se passant des ratings frelatés émis par les agences de notation d’ailleurs). Les crédits à des banques et sociétés qui pratiquent l’investment banking et les risques de marché, la spéculation sur matières premières, la promotion immobilière ne seraient donc pas acceptés en nantissement de dépôts bancaires. Les banques qui plaideront qu’elles n’ont plus d’actifs à donner en nantissement démontreraient à quel point la situation actuelle est anormale, et à quel point il est urgent d’éviter d’en faire encore courir le risque aux déposants et à l’État.

Ceci ne découragerait certainement pas les banques de prêter à des particuliers, à des entreprises, au commerce national et international. Bien au contraire, puisque ces crédits leur permettraient de satisfaire à l’obligation de couverture de leurs dépôts. Mais ce serait un premier pas très utile vers une meilleure limitation des activités spéculatives et du « shadow banking » en particulier ; en tout cas la partie du shadow banking qui est financée par de l’argent ou des titres empruntés à des banques de dépôt. Cela réduirait la gigantesque subvention que représente la garantie d’État sur leurs dépôts pour certaines banques (plus la banque est risquée, plus la subvention est élevée). Cela faciliterait également la transition vers une séparation et un cantonnement des banques de dépôt, et faciliterait par ailleurs le sauvetage de banques en difficulté.

On pourrait aussi prévoir que des banques de dépôt d’un bilan inférieur à 30 milliards d’euros, et qui donnent moins de 10 % de leurs actifs en nantissement soient exemptées de ce règlement, s’il est clair que leurs déposants ne sont pas soumis à des risques anormaux. 

Ce mécanisme simple serait très facile à mettre en place, en utilisant les pratiques et le cadre légal des « covered bonds », ces « obligations couvertes » que certains voudraient encourager. Il aurait évité ou fortement réduit les coûts et risques supportés par l’État belge et les citoyens dans le cadre de la crise financière actuelle.

  1. Economies d’échelle, taille optimale et concurrence dans le secteur bancaire

Il est intéressant de s’interroger sur l’ensemble de ce qui se passe depuis les années 70 quant à la taille et l’efficience dans le secteur financier : quelle est la nature des gains d’efficience et des économies d’échelle en matière bancaire, et y a-t-il une taille optimale, c’est-à-dire une taille qui permet la meilleure productivité?[1]

C’est une question délicate mais très importante pour la santé du secteur et sa capacité à servir l’économie, dans une maîtrise des risques, et avec un niveau de concurrence assurant qu’une part suffisante des améliorations de productivité soit transmise aux clients.

Les mesures d’efficience et de taille optimale en matière bancaire sont toujours difficiles à évaluer[2], et de plus, l’analyse rationnelle se heurte en permanence à des idées reçues, dont celle que l’efficience croît automatiquement avec la taille est la plus répandue.

Chapitre 1 : Économies d’échelle

Efficience des coûts

Les économies d’échelle sont souvent citées comme une source potentielle de réduction de coûts presque sans limites. L’idée reçue que la taille est en soi un avantage s’appuie souvent sur une supposée nécessité d’amortir sur le plus grand volume possible les frais fixes : les coûts informatiques, les coûts d’image et de publicité, ou le coût des réseaux —la dernière mode était d’évoquer la nécessité d’absorber les coûts de la régulation.

Les études à cet égard[3] montrent que les coûts unitaires (coûts par rapport à des unités de recette) des banques évoluent en U : ils décroissent jusqu’à une certaine taille offrant des opportunités d’économies d’échelle, ensuite se stabilisent, puis croissent avec la taille, parce que certains coûts d’intégration des systèmes d’information ou de gestion des risques, croissent de façon exponentielle. De plus, il semblerait que les grandes banques fonctionnent avec une technologie plus lourde que celle des petites banques et que leur potentiel d’économies d’échelle s’épuise plus tôt[4]. Des économies d’échelles importantes semblent exister sur certaines activités de process standardisé (chèques, recouvrement,…) mais beaucoup de ces activités peuvent au besoin aisément être sous-traitées. Pour les activités de crédit aux entreprises, des économies d’échelle existent quant au monitoring et contrôle que doit exercer le banquier préteur, et surtout la banque principale, aussi appelée « house bank », mais elles ne sont pas infinies[5].

En ce qui concerne le coût du funding la taille ne semble pas apporter d’avantage, sauf en matière de fonds propres[6]. Les grandes banques opèrent avec une proportion de fonds propres plus faible, mais l’expérience montre que l’accroissement de risque résultant d’un montant de fonds propres trop faible est surtout pris en charge par l’Etat et le contribuable, qui doivent sauver les grandes banques lorsque leurs fonds propres sont insuffisants, pour éviter les risques systémiques. Ces grandes banques, qualifiées de « too big too fail », utilisent leur taille pour se mettre à l’abri d’une faillite, les pouvoirs publics étant obligés de les sauver en cas de difficulté. En pratique les Etats donnent à ces grandes banques, une sorte de garantie tacite, et gratuite, qui représente une forme de subside public, dont le niveau est d’autant plus important que la proportion des fonds propres des banques est faible ; les grandes banques font des efforts de lobbying considérables pour résister à toute tentative des pouvoirs publics de leur imposer des niveaux de fonds propres supplémentaires[7]. Cet avantage de la taille n’est donc pas un avantage économique, mais une subvention.

Efficience des revenus

Un réseau bancaire doit avoir une certaine taille pour générer des revenus suffisants, mais il s’agit là aussi d’un domaine où l’avantage de la taille semble plafonner puis décroître. Les résultats des études dans ce domaine sont peu robustes[8]. Les chiffres obtenus sont assez dispersés ce qui peut suggérer que ce sont des facteurs spécifiques à la banque et des caractéristiques inobservables qui déterminent l’efficience des revenus ; en dépit d’une certaine propagande qui vise à soutenir le contraire, la taille semble ne pas être un facteur déterminant[9].

- Il se dit parfois que l’avantage de la taille proviendrait de ce que les grands clients corporate exigent des crédits de montants importants pour accepter de traiter avec une banque. Ceci n’est pas avéré, car de très grandes entreprises utilisent des banques de toutes tailles si leurs services sont bons ; de plus, les grands clients ne sont pas toujours les plus rentables ni les plus loyaux.

- La taille d’un réseau international est un argument fréquemment utilisé, mais de bons correspondants internationaux permettent d’offrir des services équivalents ou supérieurs à ceux d’un réseau propre dont les implantations étrangères sont souvent des banques marginales dans le territoire qu’elles couvrent.

- Une meilleure diversification du risque est un autre argument invoqué par les secteurs bancaires concentrés pour justifier la présence de plus grandes banques[10]. Mais la diversification du risque de crédit est possible de différentes façons, par exemple en pratiquant la réassurance du risque via la syndication, ou les mécanismes de couverture de défaut, assurance–crédit ou Credit Default Swap[11].

La tendance du secteur bancaire depuis les années 1980 a été de viser un élargissement des gammes d’activités. En Europe, les banques commerciales et de dépôt ont élargi leurs activités vers les marchés de capitaux, tant pour compte propre que pour compte de clients. De nombreuses banques se sont lancées dans des activités qu’elles ne maîtrisaient pas, avec une apparence de gain d’efficience en revenus durant les années d’euphorie, et des pertes importantes pendant les crises, particulièrement celle de 2007-2009. Nous revenons au chapitre 4 sur les activités de marchés de capitaux.

En matière d’efficience, globalement, une taille optimale semble donc exister, mais elle correspondrait plutôt à une banque de taille moyenne[12], ayant un bilan de quelques dizaines de milliards d’euros, soit le quart ou le dixième de la taille des grandes banques européennes (belges entre autres) en 2010.

Chapitre 2 : Le supermarché bancaire, gain d’efficience ou abus de pouvoir ?

Le pouvoir de placement, un pouvoir corrupteur au détriment des marchés ?

En Europe continentale : des clients captifs

Dans leur activité de collecte d’épargne au sens large, les grandes banques d’Europe continentale, et ceci est particulièrement le cas en Belgique, ont visé à accroître leur contrôle sur la distribution de produits et sur la chaîne de valeur, tant en acquérant des sociétés de bourse, que des sociétés de gestion d’actif, des compagnies d’assurances, etc. Elles ont aussi encouragé la vente d’instruments d’épargne gérés par des Organismes de Placement Collectifs (de type Sicav, fonds d’investissement, etc.) qu’elles contrôlent et rentabilisent à divers niveaux. Les clients des banques sont souvent les victimes de la distribution « captive » des produits d’épargne que permet ce genre d’intégration. Cette intégration apporte peut-être quelques gains d’efficience de revenus, mais ce n’est pas certain, des déséconomies d’échelle existant aussi. De plus il semble que les investisseurs, particuliers en tout cas, n’aient pas bénéficié d’éventuelles économies d’échelle, le taux de facturation des OPC pour particuliers belges ayant plutôt tendance à la hausse ces dernières années.

Notons que dans le cas d’une banque de grande taille, ce type de structure fonctionne encore mieux pour les banques lorsque, à l’intégration et à la captivité de la clientèle, on peut ajouter un effet de masse et de publicité. L’exclusivité générée par ce système crée un problème d’éthique et de compétitivité des produits offerts aux clients. En particulier en Europe continentale, la distribution souvent quasi exclusive par les banques de Sicav et autres produits d’épargne propres se réalise à l’encontre de leur rôle supposé de conseil, et est souvent à la limite de la légalité, si l’on considère leur compatibilité avec les règles MiFID (Directive européenne qui impose aux banques et aux institutions financières des règles de meilleure exécution, de transparence, et de gestion de conflits d’intérêt). Les frais de gestion d’OPC et de produits structurés « maison » distribués dans des réseaux captifs ainsi que les droits d’entrée, de sortie et de garde, représentent d’ailleurs dans de nombreux cas une part substantielle, et croissante, de la rentabilité des banques d’Europe continentale[13].

Aux Etats-Unis : des agences et analystes à l’indépendance douteuse

Dans les pays Anglo-Saxons, les réseaux de distribution de titres, brokers (courtiers) sont rarement indépendants. Ils ne sont pas intégrés dans les banques commerciales, mais depuis les années 1980, la plupart appartiennent à des Investment Banks, les banques d’affaires qui montent les opérations de marché. Elles ont, depuis lors, usé et abusé du rôle de conseiller en placement que jouaient traditionnellement les analystes financiers travaillant chez ces brokers. es analystes financiers sont sensés être indépendants et émettre des avis objectifs quant à la valeur d’une action, au service des investisseurs. Mais les grandes Investment Banks, en intégrant les brokers ont changé les règles. L’indépendance des avis et conseils en placement a été sacrifiée, les analystes financiers étant « motivés » (par des bonus et plans de carrière) à modifier leurs recommandations en fonction des opérations de marché dirigées par la banque, ce qui fut une des cause principales des scandales liés à la bulle Internet-Technologie des années 1995-2002[14].

Ces recommandations sont pour les actions l’équivalent de ce que sont les notations ou ratings émis par les agences de rating pour classifier les obligations. Ces agences sont aussi sensées être indépendantes, et émettre des avis objectifs, mais depuis les années 2000 au moins, leurs avis ont été influencés par les pressions de leurs grands clients (la faillite d’Enron indiquait déjà ce problème[15]. Les grandes Investment Banks dirigeant de nombreuses opérations sont devenues leurs plus grand clients, en particulier dans les opérations de titrisation: le scandale des subprimes a atteint l’ampleur que nous connaissons parce que les agences de rating se laissaient corrompre par les Investment Banks.

Les grandes Investment Banks aux Etats-Unis ont donc une capacité  d’influence tant sur les ratings obligataires que sur les recommandations sur actions, grâce à leur taille. Cet avantage de la taille pour les grandes Investment Banks, n’en est clairement pas un pour les marchés de capitaux que ce mécanisme pollue d’une dose nocive de centralisation et rend vulnérable à la corruption comme nous le verrons au chapitre 4.

En matière de distribution de titres, la taille donne donc ce que les banques appellent un « pouvoir de placement », qui ressemble fort à un abus de marché.

Le problème que représente le manque d’indépendance et d’éthique des agences de rating est connu ; en fin 2010, il est loin d’être résolu. Mais le problème des conflits d’intérêt des analystes financiers en matière d’action n’est pas résolu non plus et reste sous-estimé.  

  1. B.     Une autre logique : les Fusions-Acquisitions et l’Investment Banking

Chapitre  3 : Taille, rentabilité et fusions

Quand on aborde la question de la taille en étudiant les gains d’efficience, ou le rapport statistique entre taille et rentabilité, on trouve peu de lien significatif. Malgré cette absence de justification économique, de nombreux patrons de banques ont un objectif de taille ; les raisons les plus évidentes de cette volonté de taille sont que la taille donne du pouvoir[16], et permet de justifier des rémunérations élevées pour les dirigeants[17].

Mais il est d’autres raisons moins évidentes, et pourtant fort importantes.

D’abord, la taille relative dans un marché est utile, car la concentration des acteurs permet souvent une augmentation de rentabilité : on constate que la rentabilité sur fonds propres des banques (comme dans d’autres secteurs d’ailleurs) estassez corrélée avec la concentration, au delà d’un certain seuil critique[18] [19]. Le consensus théorique traditionnel prédit que plus le secteur bancaire est concentré et moins il est compétitif, plus le système sera stable car les profits seront plus élevés et formeront une garantie contre la prise de risques excessifs. On a vu entre temps qu’en pratique, la recherche de profits élevés par tous les moyens est plutôt déstabilisante, et que la taille excessive des banques a rendu le secteur non seulement instable et vulnérable, mais parfois même difficile à sauver.

Ensuite, la manière d’aboutir à une plus grande concentration est attrayante pour des dirigeants de banques, car elle nécessite des fusions ou acquisitions, qui se pratiquent comme un grand jeu de société très amusant pour les acquéreurs, et permet de faire plaisir aux Investment Banks, rarement ingrates vis-à-vis de leurs bons clients.

Les fusions apportent-elles des gains d’efficience ?

Plusieurs études montrent que, de manière générale, dans plus de 60% des cas, les opérations de fusions et acquisitions se soldent par un échec selon des critères de création de valeur ou de mesure de productivité[20]. L’examen des fusions et acquisitions dans les banques commerciales montrent que souvent, elles n’apportent pas les gains d’efficience ni de rentabilité espérés[21], sauf lorsque la réduction de concurrence permet une augmentation des marges brutes, au détriment des clients.

Alors que l’objectif déclaré des fusions de banques en Belgique était que la productivité allait augmenter et que les clients pourraient bénéficier de meilleurs services à prix moindres, l’augmentation des marges commerciales, mesurable dans les tarifs crédits, les frais de gestion de sicav, etc. était générale, ainsi que l’accroissement des bénéfices. Quant à la qualité des services prestés et la satisfaction des clients, les fusions ne semblent pas les faire progresser[22].

De façon générale, les cas les plus concluants de gains de rentabilité suite à des fusions semblent provenir soit de la résolution de problèmes de gestion, soit de l’accroissement de pouvoir de marché[23], plutôt que d’économie d’échelle.[24]

L’accroissement de pouvoir de marché est rarement annoncé comme étant un objectif car il est contraire à l’intérêt des clients et contraire aux règles de marché et à la législation de la concurrence, mais ce problème ne semble pas être un souci prioritaire des autorités nationales de la concurrence. Les autorités européennes de la concurrence sont souvent les seules capables de mettre des limites, mais doivent lutter contre de forts lobbies du « champion national ».

Qu’il est doux de faire plaisir à son banquier 

Les Fusions et Acquisitions sont un aspect particulier et très rentable de l’activité des banques d’affaires, les « Investment Banks »; tellement rentables qu’elles y poussent les entreprises malgré l’échec de la grande majorité de ces opérations. Les patrons récalcitrants sont menacés, avec un discours de type : « si vous ne faites pas d’acquisition, les marchés financiers en déduiront que vous manquez de stratégie, abaisseront leurs recommandations sur votre action, dont le cours va baisser, et vous allez vous faire  acquérir ». Le fait que les marchés financiers sont fortement influencés par les analystes financiers —soi-disant indépendants, mais employés par les Investment Banks—, est évidemment bien pratique dans ce contexte. Mais notons que de nombreux soi-disant spécialistes et chefs d’entreprises y sont sensibles et se laissent séduire par l’idée reçue que manque d’acquisitions voudrait dire manque de stratégie. L’acquisition d’ABN-Amro par Fortis et Royal Bank of Scotland se plaçait largement dans cette logique. Cette opération à été en fait conçue et montée par la banque d’affaires Merril Lynch, pour son plus grand profit (des centaines de millions d’euros de commission « de succès » lui ont été payés), les dirigeants des banques Fortis et Royal Bank of Scotland ne donnant pas toujours l’impression de contrôler leur dossier. Un grand nombre des fusions et acquisitions bancaires, opérées depuis 1996-97 ont été motivées par des problèmes d’actionnariat, des ambitions personnelles etc… Il en est souvent  résulté une augmentation du cout des services bancaires, des banques trop grandes, et incapables de contrôler leur risque.

Notons enfin que les fusions de banques, et surtout de banques petites et moyennes, ont fait l’objet de nombreuses études aux Etats-Unis[25]; les indices de gains d’efficience en matière de coût sont contradictoires[26]. Par contre, un nombre significatif semble avoir donné des gains d’efficience de revenus aux Etats-Unis[27], parmi les banques de taille modeste et spécialisées, parce que les fusions permettaient d’une part, des renforcements de pouvoir de marché et d’autre part, une meilleure diversification des portefeuilles de crédit. Il y a entre temps d’autres manières de diversifier les risques crédit…

Chapitre 4 : Le cas particulier de la taille dans l’Investment Banking

Dans les banques pratiquant surtout l’Investment Banking (les grandes banques New-Yorkaises et quelques autres), la taille apporte un avantage, qui ne semble pas indiquer une plus grande efficience (ce qui serait positif d’un point de vue économique), mais bien une plus grande facilité à dominer les marchés et une grande impunité face à certaines indélicatesses nuisibles à l’économie.

Le Corporate Finance, partie centrale de l’Investment Banking, est une activité où la taille et la notoriété offrent des arguments commerciaux qui peuvent être très rentables, mais souvent au prix d’un grand appauvrissement éthique[28]. Ceci concerne les opérations de conseil en fusions et acquisitions ainsi que les introductions en bourse (Initial Public Offering, IPO) et le placement de titres en général :

- Les fusions & acquisitions donnent des informations sur les transactions de clients qu’il est rentable, mais très délicat ou illégal d’utiliser (information privilégiée, conflit d’intérêt…). Diverses banques le font pourtant, soit pour s’enrichir pour compte propre, soit pour entretenir des relations rentables avec des clients importants.

- Les IPO représentent aussi une monnaie d’échange, notamment en matière d’attribution privilégiée d’émissions réussies qu’on appelle «hot issues». Elles permettent des attributions privilégiées de titres, souvent émis à des prix d’émission permettant une large prime le premier jour de cotation.

- Les bénéficiaires de ces avantages douteux sont dans les deux cas très divers, allant de clients corporate qui octroient des mandats rémunérateurs à leur banque, à des gestionnaires de grands fonds d’investissements, sicav, et  hedge funds, qui assurent ainsi aux grandes banques un « pouvoir de placement » de titres. Les grandes Investment Banks, en exerçant un réel contrôle, bien que démenti, sur les prescripteurs de titres que sont les agences de rating d’une part et les analystes actions d’autre part, arrivent à conforter très efficacement ce pouvoir de placement.

- Les banques usent et abusent de ce pouvoir, pour truster les mandats d’émission de titres et consolider leur domination du marché. Leurs pratiques ressemblent souvent à de la franche corruption, avec le grand avantage de ne pas être punissables, car le fameux slogan des banquiers d’affaires : « nous ne faisons rien d’illégal » s’y appliquent régulièrement. Notons que lorsque ces banques dépassent la norme, elles sont parfois poursuivies par les régulateurs ou la justice, mais les amendes sont généralement beaucoup plus faibles que l’enrichissement. Ce qui confirme au passage qu’il faut changer certaines lois si l’on veut assainir la finance

Ces diverses formes de corruption expliquent probablement la résilience des commissions élevées dans cette activité d’introductions en bourse —7% du montant émis, alors que les risques sont très faibles—, et l’oligopole qui y persiste, surtout à New York[29] .De façon générale, les entreprises semblent préférer traiter leurs dossiers de corporate finance avec les banques réalisant le plus d’opérations, sans beaucoup négocier les commissions, malgré les études qui indiquent que la qualité des prestations en Investment Banking est plutôt inverse au niveau de notoriété atteint par les banques (dans les « league tables » entre autres)[30]. Du fait de cette piètre qualité de service, on voit d’ailleurs se développer des petites banques d’affaire spécialisées, appelées en anglais financial boutiques, dont le service semble meilleur que celui des grandes, mais dont la portée reste limitée, peut-être parce qu’elles ont moins d‘« arguments commerciaux ».

En liant l’origination et la distribution de produits financiers via des courtiers-maison, un modèle intégré de création et distribution (« originate to distribute ») de produits financiers a donc été créé, dans lequel le « pouvoir de placement » et la taille apportent un avantage, contraire à l’intérêt du marché et des clients, mais très rentable pour les banques d’affaires. 

Le marché des dérivés de crédit (Credit Default Swaps, CDS) et de dérivés en général est aussi caractérisé par des abus de positions dominantes, des pratiques douteuses et des manipulations de cours[31], facilitées par l’absence de chambre de compensation ouverte à tous et des prix transparents. La concentration suspecte de ces marchés dans les mains de quelques grandes banques et leur opacité fait enfin l’objet de diverses enquêtes des autorités de concurrence et de marché.

Ces activités sur dérivés, ainsi que de façon générale les activités de tenue de marché et de spéculation, sont des activités très rentables mais parfois très risquées nécessitant des sources de financement faciles et bon marché. C’est la que les grandes banques bénéficient pleinement de la garantie d’Etat implicite qui leur vient de la coexistence entre ces activités risquées et les activités bancaire. La collecte de dépôt d’épargne et la gestion des infrastructures de paiement les rendent « systémique », autrement dit « too big to fail », c’est-à-dire que leur faillite entraînerait une crise de système.

Les grandes Investment Banks ont aussi développé en toute discrétion une activité très rentable d’emprunt et prêt de titres ; elles empruntent des titres détenus par des clients, parfois à l’insu de ces clients, pour les prêter à d’autres, typiquement des arbitragistes et des spéculateurs devant couvrir des positions short[32]. Cette pratique[33] est une activité très rentable pour les banques, beaucoup moins pour les clients, qui encourent des risques considérables sur ces prêts de titres, souvent sans s’en rendre compte d’ailleurs.

Les bonus pratiqués à large échelle en Investment Banking seraient d’après les dirigeants et cadres bancaires  essentiels pour attirer et motiver les « talents rares » à l’œuvre dans ces activités. Cette nécessité de rémunération exorbitante n’est vérifiée dans aucun autre secteur, et semble plutôt pourrir la déontologie de ses bénéficiaires, que correspondre à des talents réels. On peut également sérieusement s’inquiéter d’une « fuite des cerveaux » vers un secteur pour lequel il est carrément opportun de se demander s’il créée aujourd’hui une réelle valeur économique pour la société dans son ensemble[34].

Notons que jusqu’à présent ces concentrations et dominations de marché ont été tolérées par les principaux gouvernements concernés, aux Etats-Unis mais aussi dans de nombreux pays européens, au nom d’une logique combinant la défense des champions nationaux, celle de « secteur d’excellence mondiale », et une proximité excessive des banques et des politiciens.

Chapitre 5 : Y a-t-il moyen de positiver le génie malin de la finance internationale ?

Sur base des analyses des chapitres précédents, on peut affirmer que ce ne serait donc pas la taille en soi qui apporte l’avantage en Investment Banking, mais la domination du marché liée à des pratiques douteuses et la disparition de la déontologie; il est peu probable que l’on se trouve ici en présence d’une plus grande efficience au sens économique. La taille et la concentration des acteurs réduit la possibilité de correction naturelle, l’uniformité de la démarche banalise l’indécence et la corruption, et la centralisation du pouvoir et des décisions aggrave les conséquences des erreurs. Ce système a beaucoup des inconvénients de l’ancien système soviétique.

On pourrait penser que les autorités publiques doivent combattre la taille excessive des banques, puisque cette taille n’apporte pas de gains d’efficience, et accroît les risques. Mais le secteur bancaire présente un cas intéressant de capture de l’Autorité publique par un secteur et ses lobbies. L’attrait apparent de l’argument de la « taille au service des clients », ou celui du « champion national », séduisent l’Autorité ; les chantages à l’emploi ou à la crise systémique la manipulent. L’analyse fait apparaître des dangers tels, que ce cas de capture en devient exemplaire pour éclairer les mécanismes à l’œuvre dans d’autres secteurs. De plus, le lobbying des grandes banques est renforcé par celui des autres entreprises ; on voit couramment les agences de rating venir au secours du lobbying bancaire quand des mesures sérieuses de limitation des garanties publiques sont envisagées (via le « living will » ou autre obligation de cloisonnement des activités de dépôt) et des industriels (peut-être dûment motivés par les « faveurs » ici décrites) faire le jeu des banques quand il s’agit de refondre et mieux contrôler le marché des dérivés.  Les banquiers d’ailleurs volent aussi au secours d’industriels menacés dans leurs prébendes, comme récemment dans le dossier de la taxation des producteurs nucléaires allemands. En plus de cette stratégie de lobbying croisé, les banques pratiquent aussi habilement la « diabolisation latérale » ; les banques européennes font ainsi croire aux politiciens du continent que tout le mal de la finance viendrait des fonds spéculatifs, les hedge funds, surtout basés à Londres et aux Etats Unis, ce qui automatiquement divise les institutions supranationales, car les autorités US et anglaises ne croient pas que ces fonds spéculatifs présentent un problème réel. L’examen des mérites et dangers de hedge funds mérite une discussion approfondie, mais il faut savoir qu’il s’agit là simplement de spéculateurs, qui ont toujours existé et existeront toujours, et qu’une grande partie de leur rentabilité vient de l’information privilégiée et autres faveurs données par les Investment Banks en échange de courants de transactions, et que les banques en général leur apportent une grande partie de leurs moyens d’action sous forme de prêts, avec l’argent des épargnants, ou des états,… .

Les mesures à prendre sont finalement assez simples, citons en quelques unes :

-        favoriser la concurrence en matière d’activité bancaire –tant de détail que de marché de capitaux- et ne plus permettre les fusions et acquisitions de banques lorsque l’entité résultante détiendrait plus de 15% du marché où elles opèrent. De façon générale, favoriser la séparation des métiers bancaires et la réduction de taille des banques, entre autres par une taxation de la grande taille et de la prise de risques de marché.

-        séparer les activités de banque commerciale (collecte de dépôts, octroi de crédits) de la prise de risque de marché, sur titres et dérivés en tout cas. Cela supprimerait les subsides massifs dont bénéficie aujourd’hui cette activité de prise de risque de marché conduite dans les banques commerciales, grâce à l’assurance de sauvetage que donnent les pouvoirs publics à ces banques. Assez évident : il ne faut pas jouer au casino avec les dépôts des épargnants.

-        Une taxe sur les transactions financières aiderait fortement à réduire les activités purement spéculatives des banques, celles dont la valeur ajoutée est tellement faible qu’elle ne supporterait même pas une taxe de 0,01 % (taxe que les clients non-bancaires ne remarqueraient même pas).

-        Interdire aux banques commerciales de donner leurs actifs en gage, ou alors faire bénéficier les dépôts de clients de gages satisfaisants.

-        Encourager le financement des Etats et des entreprises moyennes et grandes par les marchés d’obligations plutôt que par les banques.

-        Séparer les activités de courtage, et donc de conseil aux investisseurs, d’avec les activités de montage d’opérations de marchés, et donc de conseil aux émetteurs de titres.

-        Généraliser dans les introductions en bourse un système d’allocation neutre et transparent, et peut être aussi un système de pricing transparent et concurrentiel.

-        Encadrer les prêts de titres, les rendre plus transparents.

-        Interdire la publication de ratings et autres recommandations et avis d’achat ou vente de titres lorsque ces ratings et avis sont donnés par des entités payées directement ou indirectement par des émetteurs de titres.

-        Prévoir que dans les banques les activités de contrôle interne soient au moins aussi bien rémunérées que les fonctions de trading, ce qui mettra une limite naturelle à la rémunération des traders, et en assurera un meilleur contrôle (puisque l’argent serait indispensable pour attirer les talents, selon l’évangile bancaire).

-        Prévoir que les conseils d’administration des banques sont directement responsables de leur politique de motivation et de rémunération, et doivent justifier celle-ci par rapport à leur gestion des risques, et à leur communication commerciale (pour éviter que les banques déclarent veiller aux intérêts de leurs clients, mais motivent leurs employés à privilégier l’intérêt de la banque au détriment de ceux des clients). Prévoir que les membres du Conseil d’administration de Banques soient tenus de démontrer leur compréhension des produits financiers vendus par les banques, et de l’ensemble des opérations financières menées au sein des banques.

En définitive des mesure simples, et faciles à mettre en place même si les autorités publiques semblent avoir du mal à faire de la peine à ces banquiers qui rançonnent la société, mais pratiquent un lobbying très important, et n’oublient pas les responsables politiques dans leurs distribution de faveurs. Certaines de ces mesures nécessitent une coordination internationale, mais il est clair que les banquiers s’emploient habilement à la rendre impossible. De nombreuses mesures peuvent en tout cas être prises au niveau européen, et même national par chaque pays plus soucieux de la santé de son économie que des profits et bonus de ses banques et banquiers.

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Eric De Keuleneer  Professeur à Solvay-ULB

 



[1] Par taille, nous entendrons ici la taille du bilan, bien qu’ils s’agissent d’une mesure simplificatrice.

[2] Diverses études montrent que la qualité de gestion est beaucoup plus importante pour exploiter l’efficience des coûts et des revenus que les économies d’échelle et de gamme. Voir Berger et Humphrey (1991), Berger et Humphrey (1992), Berger et al. (1993), Malnero et Tulkens  (1994)

[3] Voir Humphrey (1990), Akhavein, et al. (1997), Amel et al. (2004).
Notons que la plupart des résultats d’études menées sur les banques se réfèrent à une période « normale » (ç’est à dire, avant 2007).

[4] Voir Altunbas et al. (2001)

[5] Voir Diamond (1984), Huveneers et Steinherr (1994)

[6] Voir McAllister et McManus (1993), Mishkin (1999)

[7] Voir Moss (2010)

[8] Voir Berger et al. (1993)

[9] Voir Amel et al. (2004)

[10] Voir les modèles de Diamond (1984), Ramakrishnan et Thakor (1984), Boyd et Prescott (1986), Williamson (1986), Allen (1990)

[11] Voir chapitre 4

[12] Voir Vander Vennet (1994), Paribas (1998), McFadden (2008) 

[13]Trouver des chiffres, sources.

[14] De Keuleneer (2003)

[15] De Keuleneer (2003)

[16]Voir Ayadi et al. (2002)

[17]Voir Bliss et Rosen (2001)

[18] Voir Berger et Hannan (1998)

[19] Les secteurs bancaires plus concentrés entrainent des pouvoir de marché importants qui permettent aux banques d’imposer des taux d’intérêts plus élevés pour leurs clients. Boyd and De Nicoló (2005)

[20] Voir Straub (2007)

[21] Voir Bain et al. (2000), Amel et al. (2004), Mueller et Yurtoglu (2007).

[22] Voir Berger alii, (1999)

[23] Voir Hannan (1991), Rhoades (1998), Berger  alii, (1999)

[24] Voir Hannan et Prager (1995)

[25] Voir Berger, A. N., Hunter, W. C., Timme, S. G., 1993. Pour l’Union Européenne, voir Vander Vennet, R., 1996.

[26] Voir Rhoades, S. A., 1993, Sapienza, P., 2002.

[27] Voir Fixler, D. J., Zieschang, K. D., 1993.

[28] Références livres Marc Roche, … sur Wall Street

[29] Voir Chen, H-C., Ritter, JR., 2000, De Keuleneer, E., 2003.

[30] Voir Bao, J., Edmans, A., 2009, pour la performance du conseil en matière de fusions et acquisitions et Guner, N., Onder, Z., Rhoades, S. D., 2004, pour la performance du conseil en matière d’IPO.

 

[32] Story, L. (October 17, 2010). Banks shared clients profits but not losses. The New York Times.

[33] « Heads I win, tails you loose »

[34] Voir De Keuleneer, E., 2003.

Posted by Eric De Keuleneer at 1:40