Investments and competitive environment

Les centrales nucléaires belges ont depuis 20 ans représenté une charge pour l’économie belge.  Elles pourraient, comme cela avait été prévu et promis, représenter maintenant un atout pour l’économie belge si les conventions sont respectées.

La production des centrales nucléaires belges représente environ 60 % de la production d’électricité en Belgique (en incluant la part des stations de pompage  qui fonctionnent à l’électricité nucléaire).  Les investissements très élevés des centrales ont été amortis en 20 ans, alors que dès le début il avait été prévu de les faire fonctionner beaucoup plus longtemps.  Durant toute cette période, les tarifs d’électricité étaient conçus dans un système où tous les frais étaient reportés à charge des consommateurs, et donc c’est bien eux et pas les actionnaires d’Electrabel qui ont supporté le coût de ces amortissements accélérés, et le handicap d’un prix de 15 à 30 % supérieur à ceux des pays voisins.

Les entreprises  (et surtout les PME) en ont souffert en terme de compétitivité, les particuliers en terme de pouvoir d’achat.  Cette politique était présentée par Electrabel et le Comité de Contrôle comme étant une politique prudente, qui permettait d’envisager des baisses progressives de prix dès la fin des années 90.  Ces baisses de prix n’ont pas eu lieu, les prix pour particuliers viennent seulement (en 2005-2006) de se rapprocher des prix des pays voisins, surtout parce que ceux-ci ont grimpé sous l’effet de la hausse des prix du gaz. Les prix d’électricité pour les entreprises ont même augmenté en Belgique, sous prétexte de la hausse des prix du gaz, alors que les 60 % de production nucléaire n’y sont absolument pas sensibles et que le solde de la production est largement lié au prix (nettement plus faible et plus stable) du charbon, parce que produit au départ de charbon, ou au départ de gaz indexé sur le charbon.

Les centrales nucléaires, qui devraient constituer un avantage pour l’économie belge, sont donc devenues une rente nucléaire de production pour Electrabel.

Cette rente nucléaire de production rend improbable aujourd’hui les nouveaux investissements nécessaires, impossible aussi l’ouverture de marché, aucun concurrent n’osant attaquer en Belgique un producteur dominant ayant des coûts aussi faibles, et les capacités de transport pour importations étant insuffisantes.

Des mécanismes existent pour permettre de répartir cette rente nucléaire de production auprès des consommateurs (particuliers et entreprises) qui l’ont rendue possible.  Ces mécanismes dits de « stranded benefit » ou « bénéfices échoués » seraient identiques aux mécanismes de financement des obligations de services publics (OSP) et autres « stranded cost » mis en place par le secteur pour éviter de supporter certains coûts, répartis sur les consommateurs. La mise en place de tels mécanismes serait strictement conforme aux conventions du secteur datant de 1995-1997 (qui lient les partenaires sociaux, les Intercommunales, Electrabel et le Gouvernement) signées à un moment ou le processus de libéralisation était connu et qui prévoient que le système doit être géré en minimisant les coûts et dans l’intérêt général.

Ces conventions étaient conformes à la volonté de toutes les parties à l’époque, et elles renforçaient les avantages et monopoles des opérateurs.  Les mesures de transition vers la libéralisation n’ont jusqu’à présent en rien respecté ces conventions.  Divers coûts du passé (pensions non financées, démantèlement d’outil, financement des communes,…) ont été mis à charge des consommateurs, et les avantages du passé sont jusqu’à présent restés chez Electrabel.

Un mécanisme de « stranded benefit » aurait l’avantage de faire baisser les prix, de rendre une concurrence possible et de stimuler les investissements en capacité de production nouvelle qui sont nécessaires en Belgique et en Europe.

Il est un autre mécanisme très simple pour neutraliser la rente nucléaire de production.  Il ne faut en effet pas oublier qu’en plus du subside privé qu’a constitué l’amortissement accéléré, le nucléaire belge a bénéficié et bénéficie encore de subsides publics considérables.  Le principal est aujourd’hui une limitation de la responsabilité civile en matière d’assurance à 300 millions d’euros par site.  Ce montant est négligeable par rapport au risque de dégâts d’un accident nucléaire.  C’est donc la collectivité et le contribuable qui assurent le risque nucléaire sans coût pour les producteurs.  Une prime prélevée par mégawat/heure nucléaire afin d’alimenter un fonds d’assurance d’accident nucléaire, serait donc tout à fait justifiée.  Cette mesure peut intervenir même en cas de mise en place d’un mécanisme de bénéfices échoués.  Elle pourrait aussi aider à financer des mesures d’économie d’énergie et d’investissements dans des énergies renouvelables.

Le risque d’accident nucléaire sera probablement croissant avec l’âge des centrales, et donc un mécanisme de primes croissantes avec la durée de vie des centrales pourrait être tout à fait logique et offrir une alternative autorégulée et conforme à la logique économique en matière de gestion de fin de carrière des centrales nucléaires.

Finalement, les 5 milliards d’euros qui provisionnent le fonds nucléaire de démantèlement et de retraitement devrait bien sûr être structurés de manière à garantir qu’ils soient toujours disponibles pour son objet à très long terme.  Une structure identique à un fonds de pension serait évidemment la plus logique  et la plus efficace.  Tout comme dans le cas d’un fonds de pension, ces capitaux seraient donc alors disponibles dans tous les cas de figure pour garantir que l’entreprise respecte ses engagements.

Si jamais ces fonds s’avéraient excédentaires par rapport aux besoins, ils pourraient être versés au fonds argenté et ainsi retourner à l’ensemble de la population belge qui les a financés.

Eric De Keuleneer.

Posted by Eric De Keuleneer at 9:37